Le 20 janvier 2023, Lucas Destrem, géographe, était l’invité des Rencontres de Gay-Lussac, le temps d’une conférence au lycée sur le thème « Nom d’une rue ! Petites histoires de la toponymie à Limoges », suivie d’une séance de dédicaces de son « Dictionnaire des rues de Limoges », paru aux Editions Mon Limousin.
Lucas Destrem, ancien du lycée, a été présenté pour l’occasion par Laurent Bourdelas. Il a pu aborder devant un auditoire captivé, l’évolution du corpus toponymique valorisé, la question des responsabilités et des discours officiels, les débats et polémiques liés aux dénominations, quelques anecdotes originales, et idéalement des représentations cartographiques et statistiques.
Synthèse de la conférence de Lucas Destrem
Si le Dictionnaire des rues de Limoges, publié en 2019 aux éditions Mon Limousin, proposait de façon monographique un descriptif avant tout historique d’une sélection de voies de Limoges, l’idée de cette conférence était d’aborder ce vaste sujet par un angle à la fois plus insolite et probablement plus politique. Car les noms de rues (ou odonymes) sont plus que des outils pratiques d’aide au repérage ; ils sont aussi des objets symboliques.
Plusieurs questionnements le soulignent : qui nomme les voies ? quelles sont les motivations, les valeurs en jeu ? quels débats ce sujet a priori essentiellement technique génère-t-il, au gré des événements de l’histoire locale et nationale ? Autant de questions… auxquelles quelques éléments de réponse ont pu être apportés. Dans la mouvance de géographes ayant délaissé la seule approche archéologique et linguistique de la toponymie, pour y préférer une lecture plus géopolitique, Lucas Destrem a repris à son compte la théorisation de la « toponymie critique » et l’a appliquée à Limoges.
Au programme : d’abord un renvoi aux sources primaires, les délibérations du conseil municipal conservées par les Archives municipales, puis une évocation panoramique de cette odonymie vernaculaire, dont les noms rappellent la trace d’un Limoges ancien et pour partie disparu (métiers, confréries, villages ruraux ou anciennes familles)…
Les défis posés par l’entretien des plaques ou l’éradication des doublons rappellent chacun à leur manière la responsabilité des décideurs dans ce domaine. Un engagement qui évolue avec le temps, en même temps que fluctuent les valeurs « officielles » du régime, les libertés des collectivités, ou les stratégies des élus locaux… Ces derniers, acteurs toponymiques par excellence, se saisissent des rues pour y apposer le nom des personnalités d’un véritable Panthéon syncrétique, à la fois national et communal. Au fil des mandatures, ils valorisent des défunts et parfois quelques vivants, écartent des figures controversées, s’efforcent de compenser l’inertie du passé par la mise en lumière des réussites économiques… et essaient de contenter la population, sans trop l’associer au processus de dénomination. Laquelle recourt aux courriers, pétitions et plaques factices pour tantôt saluer ou déplorer. Cette toponymie, loin d’être neutre, pas toujours consensuelle, même (surtout ?) quand elle le prétend, n’en est pas moins un patrimoine spécifique, à connaître et expliciter. De nombreuses initiatives, ici et ailleurs, pourraient inspirer les acteurs locaux.
L’entreprise plus rigoureuse d’une histoire complète des dénominations des voies à Limoges reste à mener. Cette conférence entendait au moins poser quelques jalons en ce sens. Un quizz participatif en fin de conférence a permis de mesurer l’intérêt du public pour ce sujet inépuisable.
Plus d’information sur le « Dictionnaire des rues de Limoges » de Lucas Destrem, paru aux Editions Mon Limousin.
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